Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Lettre ouverte à Agrobio 79

Lettre ouverte à Agrobio 79

Accéder aux flux rss de notre siteImprimer la page

De 2010 à 2020, l’irrigation a permis d’accélérer fortement les conversions en agriculture biologique: comment poursuivre ?

Dans un communiqué paru le 14 juin 2023, Agrobio 79 dit « réclamer pour les bassines déjà en fonctionnement que l’attribution de quotas d’irrigation soit conditionnée, comme initialement décidé, à des engagements individuels ayant des bénéfices pour l’environnement.
Agrobio 79 souhaite aussi prioriser l’irrigation à des cultures produites en agriculture biologique adaptées au changement climatique et destinées à la consommation locale, afin de sécuriser l’autonomie alimentaire des territoires. »

Nous sommes heureux d’annoncer à Agrobio 79 que ses vœux sont déjà exaucés, et même dépassés pour ce qui concerne les « bassines déjà en fonctionnement ». Nous leur retournons donc la question : comment continuer et accélérer les évolutions positives en cours ?

Sur l’attribution des volumes d’eau : il n’y a pas de « quotas d’irrigation », ni autre « droits d’eau » rattachés au capital d’exploitation des irrigants.
Les volumes sont gérés par un organisme public, l’EPMP (Établissement Public du Marais Poitevin), qui a la mission déléguée d’être l’OUGC (Organisme Unique de Gestion Quantitative) de gestion collective de l’eau sur les bassins d’alimentation du marais : c’est donc l’État qui attribue les volumes autorisés chaque année.


Ces volumes autorisés ne sont pas transmis automatiquement au repreneur de l’exploitation ou des terres irrigables, mais sont répartis selon des priorités définies dans le règlement intérieur de l’OUGC, sur proposition d’une commission ad hoc où siègent tous les syndicats agricoles : l’agriculture biologique et le renouvellement des générations y sont déjà au premier rang.
Pour preuve sur le bassin Sèvre-Mignon : les volumes libérés par 13 départs entre 2018 et 2021 ont été attribués à 20 porteurs de projets (réalisés ou en cours), dont 6 maraîchers en agriculture biologique.

Continuons donc nos travaux communs pour encore améliorer cette belle trajectoire.

Sur le développement de l’agriculture biologique avec l’irrigation : selon les dernières données des recensements agricoles (Agreste – RA 2010 et 2020), il y a 16 % d’irrigants en agriculture biologique sur le bassin Sèvre-Mignon. C’est en proportion une fois et demie plus que chez les non irrigants (10% en agriculture biologique).

Sur les « bassines déjà en fonctionnement », comme par exemple la vingtaine construite depuis 15-20 ans sur le bassin Autizes-Vendée voisin, presque le quart (23 %) des irrigants sont en bio, c’est deux fois plus que sans irrigation (12 % en agriculture biologique), et près la moitié des bios (46 %) sont des irrigants. Le nombre d’irrigants en agriculture biologique a été multiplié par cinq entre 2010 et 2020 sur ce bassin, alors que celui des exploitations agriculture biologique sans irrigation a été multiplié par deux sur la même période, soit des conversions deux à trois fois moins rapides (1).

Sur la demande d’Agrobio 79 de prioriser « l’irrigation pour des cultures produites en agriculture biologique adaptées au changement climatique et destinées à la consommation locale, afin de sécuriser l’autonomie alimentaire des territoires » : là-encore, l’irrigation sécurisée apporte déjà ces volumes de productions pour les filières locales (entre Nantes et Bordeaux, grosso modo).

Sur le bassin Autizes-Vendée, les surfaces en légumes secs irrigués (haricots, flageolets, pois chiches…) ont augmenté de 400 ha entre 2010 et 2020, dont plus de la moitié en agriculture biologique ; et si les surfaces de légumes de plein champ ne se sont pas beaucoup développées (de 550 ha en 2010 à 590 ha en 2020), la part en agriculture biologique est passée de 4 % en 2010 (20 ha) à 53 % en 2020 (310 ha).
Sur le bassin Sèvre-Mignon, où moins de 3 Mm3 sont sécurisés l’été (Sèvre réalimentée), les surfaces en légumes secs irrigués passent de moins de 30 ha en 2010 à plus de 200 ha : la quasi-totalité de cette progression s’est faite en agriculture biologique (+150 ha). En revanche, les surfaces de légumes de plein champ conventionnels irrigués sont divisées par trois entre 2010 et 2020, les contrats exigeant la sécurité de l’irrigation ; néanmoins, elles progressent de 30 ha en agriculture biologique.

Nous constatons ainsi qu’un accès sécurisé à l’eau tout l’été, et donc le stockage par réserves de substitution dans les conditions hydrogéologiques particulières des bassins versants du Marais Poitevin, peut accélérer la transition agroécologique, dont le développement de l’agriculture biologique est un des éléments, parmi d’autres évolutions de pratiques :

  •  l’agriculture de conservation des sols
  • l’irrigation d’appoint sur les couverts, les dérobées ou les cultures associées
  •  les infrastructures agroécologiques et auxiliaires de cultures
  • les taux de matière organique des sols
  • l’association polyculture-élevage...

Bref, un développement de l’agriculture biologique mais aussi des solutions fondées sur la nature, inscrites elles-aussi dans le protocole de 2018.

Partant de ce constat, nous sommes ouverts à toute proposition permettant d’accélérer encore la transition agroécologique en cours, et à laquelle nous travaillons déjà de concert depuis de nombreuses années dans tout le département.
Malgré l’annonce par les Soulèvements de la Terre et Bassines non Merci d’une opération « 100 jours pour les sécher » (du 13/06 au 21/09/2023), ne laissons surtout pas ces provocations obscurcir notre volonté commune de transmettre un territoire vivable, viable et durable aux générations futures.


Luc SERVANT, Président de la Chambre régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine
Jean-Marc RENAUDEAU, Président de la Chambre d’agriculture Charente-Maritime-Deux-Sèvres
Thierry BOUDAUD, Président de la Coop de l’eau 79.